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Interview d'Alan Wilder par Rudy Léonet,
sur Radio 21, le 24 septembre 1997.


C'est un plaisir de te recevoir cet après-midi. Tu as souvent dit que tu n'aimais pas les sessions photos et les interviews...

Pour cet après-midi ça ira. On verra bien comment tu vas te comporter d'ici la fin de l'interview.

Est-ce que l'enregistrement et le processus de fabrication du disque a été différent des précédents enregistrements de recoil maintenant que c'est un boulot à temps plein ?

Cela n'a pas vraiment changé. Simplement, je peux y accorder plus de temps comme par exemple faire de la promo, faire des interviews mais le procédé d'enregistrement et de fabrication de ce nouvel album est exactement le même.

On trouve sur cet album un casting de chanteurs. Sur le précédent, il y avait Toni Halliday, ex-Curve, Moby, Douglas Mc Carthy, de Nitzer Ebb, et puis sur ce nouvel album, il y a quatre personnes dont trois filles, qui interviennent et qui sont des acteurs parlant et chantant de l'album. Alors, comment as-tu réalisé ce casting ?

Pour Douglas Mc Carthy, je le connais depuis longtemps puisque Nitzer Ebb a fait beaucoup de premières parties pour DM et puis ils sont aussi chez Mute Records, qui est notre même maison de disque. Siobhan Lynch vient un peu de nulle part. J'ai entendu des démos qu'elle avait faites et je me suis intéressé à elle. Hildia Campbell, c'est une chanteuse de gospel qui avait déjà participé à l'album "Songs Of Faith And Devotion" et à la tournée "Devotional Tour". Pour Maggie Estep, c'est une artiste qui parle et qui récite. En fait, je suis parti avec des musiques et l'album aurait pu être instrumental. Et, au fur et à mesure, les intervenants se sont greffés au projet et ont écrits les textes. Chaque personne qui chante ou parle sur le disque interprète ses propres mots, je n'ai signé que la musique. Il m'a semblé évident que ce projet devait être chanté ou parlé et pas du tout un projet absolument instrumental, j'étais ouvert à toutes les propositions des différents intervenants. Je ne suis pas bon pour écrire les textes, donc j'ai préféré que d'autres le fassent à ma place. Ils le font de toute façon beaucoup mieux que moi et plutôt que le projet en pâtisse, cela a augmenté le potentiel du projet.

Mais tu n'as pas eu peur à un moment que recoil t'échappe et que cela devienne le projet de quelqu'un d'autre ?

Non. L'apport de ces gens a fait que, parfois, d'une simple musique banale, c'est devenu quelque chose de vraiment intéressant grace à eux.

Puisque tu dis que c'est un projet et non un groupe, est-ce que tous les cinq vous vous êtes rencontrés aux moins une fois ensemble ?

Non, jamais. On s'est rencontré pour boire un verre et non pour parler boulôt, mais là on n'était seulement trois.

« Drifting » est le premier single extrait de l'album. Mais c'est un peu stupide de parler de single extrait d'un album comme celui-làqui est plutôt un album complet, global, et qui est, comme tu le dis, pas du tout radiophonique !

Quand j'étais dans DM, nous cherchions à faire des chansons pop qui passent à la radio. Ici, je suis parti en totale liberté et donc, c'est vrai que c'est un peu idiot de parler de single extrait de cet album.

Tu cherchais vraiment quelqu'un d'inconnu pour participer à cet album ?

Oui, au moins une personne qui vienne de nulle part, c'était vraiment intéressant. Il se fait que c'est Siobhan Lynch qui chante sur ce premier single. J'ai entendu ses démos parce qu'elle enregistre aussi ses propres chansons et qu'elle n'est pas connue.

Je trouve que cet album ne ressemble à rien. La seule comparaison que je puisse faire c'est, éventuellement, avec Barry Adamson. Es-tu d'accord avec moi ?

Effectivement, si on peut comparer avec quelqu'un c'est peut être avec lui, dans le sens où ses disques, aussi bien que ceux de recoil, sont conçus comme des bandes originales de films sans images, des "soundtracks", et il se fait qu'il vient de travailler sur un remix d'un des titres de recoil. Je l'ai entendu et je trouve que son travail est vraiment formidable. C'est un type épatant et je trouve que, même si nos disques sont très différents, la démarche est un peu similaire.

Il y a aussi un groupe très bizarre qui a travaillé sur un remix d'un des titres de ton nouvel album, c'est Panasonic. Je voudrais que tu nous parles d'eux...

Panasonic sont deux finlandais complètement félés qui font de l'électronique industrielle pure. Pour le titre « Shunt », je leur ai donné toutes les pistes de la chanson pour un remix, et ils n'ont gardé qu'un seul son. Ils sont assez radicaux...

On n'a pu t'entendre jouer du Beethoven ( Moonlight Sonata, sonate n°14 ). Tu as commencer à étudier le piano à l'âge de huit ans. Je pense que lorsque tu es arrivé dans DM, tu n'étais pas du tout dans la musique électronique, pas du tout dans la technique, tu n'y connaissais strictement rien. Aujourd'hui, tu collabores avec des gens aussi dingues que Panasonic, et ton groupe préféré est Kraftwerk. Alors, que s'est-il passé ?

Tout mon passé est un passé classique. Quand je suis arrivé dans DM, j'ai répondu à une petite annonce. Je cherchais un travail et j'avais besoin d'argent, donc je suis rentré dans ce groupe un peu par hasard et les autres m'ont dit : « Oublie tout ce que tu sais, nous avons une autre option qui n'est pas du tout celle-là. » Donc, je me suis intéressé à ce qui était mon travail au sein du groupe. On m'a demandé de faire ça, je l'ai fait et je me suis passionné pour ça. Mais, ce que je fais aujourd'hui dans recoil est peut-être plus proche de mes racines classiques et finalement, avoir une éducation classique m'a beaucoup aidé dans mon projet recoil et même dans toute l'aventure musicale que j'ai vécu jusqu'à maintenant.

Lorsqu'on t'entend jouer du piano, ne t'es-tu pas trouvé un jour ridicule de jouer de la batterie sur scène ?

En fait, cette reprise de Beethoven était une idée de Martin. Il a tellement insisté que j'ai dit « Ok, je vais le faire ! » mais ce n'était pas vraiment mon idée et j'ai accepté de le faire plutôt par pression que par envie.

Sur l'album, on trouve un parolier étonnant, c'est Francis Ford Coppola. Alors, je voudrais que tu nous expliques pourquoi son nom est inscrit comme auteur de l'une des chansons ?

C'est simplement parce que j'ai samplé la voix de Martin Sheen qui joue le rôle principal dans "Apocalypse Now". Et, autour de ce texte, Douglas Mc Carthy a rajouté des paroles pour la chanson « Incubus ». Toute l'atmosphère de la chanson vient effectivement de ce texte d'"Apocalypse Now". Donc, j'ai dû demander l'autorisation au réalisateur pour utiliser ces parties de voix qui proviennent de ce film.

C'est dommage qu'il n'y ait pas les textes dans livret car cela aurait pu permettre à ceux qui ne comprennent pas parfaitement l'anglais de pouvoir s'imprégner de ce qui est dit dans les chansons...

Tant pis s'ils comprennent mal ou de travers ! Ce qui est important c'est ce qu'ils vont ressentir à l'écoute des chansons et s'il y a une mauvaise interprétation, elle n'est jamais mauvaise puisque c'est comme cela qu'ils le comprennent ou le ressentent. C'est ça qui est important, il ne faut pas qu'ils fassent une seule lecture de l'album.

Considères-tu cet album comme le premier véritable album de recoil, et que les disques précédents étaient plutôt des mini-albums ou des projets parallèles ?

Oui, dans un certain sens, c'est le premier véritable album de recoil. Le tout premier était enregistré sur un quatre pistes et Daniel Miller a vraiment voulu le sortir alors que j'avais fait ça plutôt pour m'amuser. Donc, je me suis pris au jeu et le projet a évolué. Maintenant que je ne suis plus occupé par DM, je peux me permettre de me consacrer à temps plein à ce projet et le faire évoluer dans un format plus proche de chansons.

Je suppose que cela reste assez expérimental et "underground" ?

Oui, pour ceux qui l'écoute. Mais pour moi, cela reste naturel. C'est un projet tout à fait spontané même si je reconnais que cela est assez sombre et lugubre, mais ce n'est jamais sinistre. Ma nature profonde lorsque j'ai envie de m'exprimer, c'est effectivement le côté sombre qui ressort même si dans la vie je ne suis pas comme ça.

Sur Internet, il y a un véritable culte Alan Wilder et de nombreux sites qui te sont consacrés. Le sais-tu ?

J'en ai entendu parler. Des gens de la maison de disques m'ont dit : « Vas sur Internet, c'est incroyable tout ce qu'il y a sur toi ! » Alors j'y suis allé me ballader un peu, j'ai vu certaines choses mais je ne passe pas tellement de temps sur le net, cela n'est pas vraiment quelque chose qui me passionne mais je trouve ça assez étonnant et assez flatteur de savoir que des gens s'intéressent à moi mais aussi à ma vie privée. Cependant, les infos ne sont plus très fraîches : je n'est plus de chats et je ne suis plus végétarien.

J'imagine que recoil n'est pas un projet qui est destiné à se ballader en tournée ?

Je n'ai pas prévu de partir en tournée bien que je puisse changer d'avis mais ce serait difficile d'organiser tout cela avec tout ces chanteurs différents. Ça paraît un peu compliqué à réaliser ! En plus, j'ai tellement fait de route avec le groupe dans lequel j'étais avant que, aujourd'hui, je n'est pas envie de repartir.

Après la promo de ton nouvel album, quels sont tes projets ?

Je vais déjà commencer un nouveau recoil parce que c'est mon projet pour l'instant. J'ai envie de le développer, de le mener à bien. Ce que cela va donner dans le futur, je n'en sais trop rien. cela va dépendre de mes humeurs et des collaborateurs qui viendront se greffer à cet album mais j'ai vraiment envie de me concentrer sur recoil.

Tu as un studio chez toi. Peut-on le louer et venir travailler chez toi ?

Non, c'est le mien.

Une dernière question. Je ne peux m'empêcher de te la poser tant j'ai reçu d'emails me demandant de te la poser. As-tu écouté "Ultra" et qu'en penses-tu ?

Ah, bonne question ! Je l'ai entendu et je ne ferais pas de commentaires à propos de cet album. Mais je n'ai pas dû l'acheter car il n'y a pas d'argent qui partiront de mes mains de ce côté là.

Qui entendons-nous sur le titre "Shunt" ?

Moi, mais je ne me considère pas comme un chanteur. Je n'aime pas le son de ma voix.

Es-tu bon juge ?

Oui !

 
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